Gestion de l’horaire chargé de nos jeunes : quelle place pour un emploi étudiant ?

Plusieurs raisons peuvent motiver un jeune à vouloir occuper un emploi durant ses années au secondaire : certains veulent développer leur autonomie et leur sens des responsabilités, d’autres veulent faire des économies ou aider leurs parents. Cependant, ce choix peut-il mettre en péril leur parcours scolaire ? En ce sens, devrions-nous encourager nos enfants à travailler pendant leurs études ? En fait, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse; il faut considérer un ensemble de facteurs propres à notre ado.

Quelques balises

Saviez-vous qu’il n’y a pas d’âge minimum pour travailler au Québec ? Il existe toutefois certaines balises encadrant le travail des enfants. Entre autres, la loi est claire sur un point : l’école doit demeurer la priorité . L’article 84.2 de la Loi sur les normes du travail se lit comme suit : « Il est interdit à un employeur de faire effectuer par un enfant un travail disproportionné à ses capacités ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique ou moral». Comment cela se traduit-il concrètement ? Un employeur ne peut pas faire travailler un jeune durant les heures de cours ni la nuit, soit entre 23 h et 6 h. De plus, un jeune de moins de 14 ans doit avoir l’autorisation écrite de ses parents pour travailler.

L’âge « idéal »

Travailler peut être très positif pour l’estime et le développement social de certains adolescents. Selon des études, ces bienfaits n’apparaissent toutefois que vers l’âge de 16 ans. Il semble que les bienfaits associés à l’intégration des jeunes de moins de 16 ans dans le milieu du travail n’aient pas été démontrés par des études. Au contraire, plusieurs experts s’inquiètent quant à l’intégrité physique et mentale des élèves (surtout au premier cycle) qui jonglent avec leurs études et leur emploi étudiant. En effet, en 2021, les accidents de travail touchant les jeunes de moins de 16 ans auraient augmenté de 36 % . Parmi ces derniers, on retrouve les blessures liées aux chutes d’équipement, aux brûlures et aux efforts excessifs . De plus, bien que chaque enfant ait son propre rythme de développement, en général, le cerveau d’un adolescent de moins de 16 ans lui permet moins de maturité émotionnelle et sociale que celui de ses ainés. Par conséquent, il peut vivre plus durement des situations où on lui demande une trop grande autonomie pour son âge ou des quiproquos avec des clients mécontents . Attendre d’avoir 16 ans pour occuper un premier emploi serait donc tout indiqué.

Le nombre d’heures

Des études ont démontré que les élèves qui travaillaient plus de 15 heures par semaine étaient plus fatigués, désengagés et démotivés, et que ceci pouvait les mener au redoublement (35 % des cas) ou au décrochage. Ces conséquences sont encore plus désastreuses lorsqu’on passe la barre des 30 heures . Il faut donc viser moins de 15 heures par semaine pour prioriser la santé et l’éducation de nos enfants.
Une question d’équilibre

Avant d’envisager d’occuper un emploi étudiant, notre adolescent doit s’assurer que cette activité s’inscrit bien dans son horaire hebdomadaire. En effet, il est recommandé d’établir un horaire type des activités de notre jeune afin de voir s’il lui reste de la place pour occuper un emploi. Dans l’horaire, on inclut bien sûr les heures de cours, mais également les activités parascolaires s’il y a lieu, les activités ou obligations familiales, du temps personnel pour les loisirs, du temps de sommeil et… du temps d’étude! Ces deux derniers facteurs ne sont pas à négliger; ils ont une influence directe sur la réussite scolaire. À cet effet, un adolescent a besoin de plus d’heures de sommeil qu’un adulte, soit environ neuf heures. En deçà de ce chiffre, l’adolescent risque de développer des problèmes d’humeur et même d’avoir des idées suicidaires . Le temps d’étude, quant à lui, varie selon le cycle scolaire et selon les habiletés du jeune. D’ailleurs, si votre enfant éprouve des difficultés d’apprentissage, celles-ci devront être prises en compte dans l’analyse, car votre enfant pourrait avoir besoin de consacrer plus d’heures à ses études. Un petit conseil : élaborez cet horaire conjointement avec votre enfant; il sera ainsi plus engagé dans la réflexion et conscient de ses limites.

Vous comprendrez alors que lorsque votre ado songera à occuper un emploi, il devra prendre en considération plusieurs critères, soupeser le pour et le contre. Voici quelques questions qui pourraient le guider à faire le bon choix :
– Quelle est ma motivation à occuper un emploi étudiant ?
– Suis-je suffisamment mature et responsable pour concilier emploi et études ? Serai-je capable de prioriser ma santé et mon éducation tout en occupant un emploi ?
– Comment se porte ma réussite scolaire ? Ai-je des difficultés ? Ai-je des défis particuliers qui me demandent plus d’efforts à l’école ?
– Ai-je analysé l’horaire de mes activités ? Me reste-t-il de la place pour un emploi étudiant ?
– L’employeur que j’ai choisi fait-il preuve de souplesse ? Me permettra-t-il de ne pas dépasser les 15 heures recommandées pour ma réussite ? Acceptera-t-il un allègement d’horaire lors des périodes plus chargées à l’école ?
– Les plages horaires proposées par mon employeur me permettent-elles de conserver mes neuf heures de sommeil ?
– Le poste proposé m’exposera-t-il à des situations lors desquelles ma santé physique ou mentale pourrait être compromise ? L’emploi est-il dangereux physiquement ?

Nous espérons que ce texte saura guider et inspirer vos conversations avec votre adolescent sur la conciliation études-travail. Rappelez-vous que votre ado est unique et a son propre rythme de développement !

Par Anouk Gariépy, enseignante de français 3e secondaire

1- Éducaloi. (2022). Concilier le travail et l’école. Repéré le 6 décembre 2022 sur https://educaloi.qc.ca/capsules/concilier-le-travail-et-lecole
2- COLLARD, N. (1er déc. 2022). « L’école avant le travail ». La Presse. https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/2022-12-01/l-ecole-avant-le-travail.php
3- ARSENEAULT, M. (2 juin 2022). « Le nombre d’enfants impliqués bondit ». La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/2022-06-02/accidents-du-travail-au-quebec/le-nombre-d-enfants-impliques-bondit
4- SCHAFF, H. (27 août 2022). « Le travail des jeunes ados, très loin d’être sans risque pour eux ». Le Journal de Montréal. https://www.journaldemontreal.com/2022/08/27/le-travail-des-jeunes-ados-tres-loin-detre-sans-risque-pour-eux
5- GAUDREAULT, M., et autres. (2015). La conciliation études-travail chez les élèves francophones montréalais de 4e et de 5e années du secondaire. Jonquière, ÉCOBES – Recherche et transfert, 84 p.
6- PÉPIN, K., et S. DESJARDINS. (2017). « Le sommeil des adolescents québécois et la problématique suicidaire : des liens à faire ? ». Revue québécoise de psychologie, 38(3), 195-213. https://doi.org

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